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Obama, Sarkozy, Présidents Symboliques…(11-2008)

novembre 5, 2008

Nicolas Sarkozy et Barack Obama ont plusieurs points communs : dans le déroulement de la campagne qui les a mené à la présidence, mais surtout dans les raisons qui les ont portées au sommet de l’échiquier politique. Obama et Sarkozy, élus « président super-star », suscitent une attente de changement inégalée depuis la création des deux démocraties. Le premier pourrait se heurter rapidement aux mêmes réalités que le second.

Des challengers expiatoires

Comme Ségolène Royal, John Mc Cain n’a pas mis tous les atouts ni tous les soutiens potentiels de son côté. Les deux perdants ont eu tendance à faire de leur campagne un chemin tortueux. Le fil rouge s’est peu à peu déconnecté du peuple et des principaux dirigeants de leur parti qui les ont soutenu avec tièdeur pour Mc Cain et dans un climat d’incompréhension pour Royal. Si Royal a entretenu un léger doute au sein d’un parti en décomposition et sans programme concret, Mc Cain n’a jamais revêtu la peau d’un gagneur comme l’Amérique les aime. Handicapé par l’héritage « Bushiste » et appréhendé comme un héros reconnu mais usé d’une campagne militaire hasardeuse, Il est devenu, sans le mériter, la victime expiatoire des années Bush.

Comme si ça ne suffisait pas, Mc Cain a accumulé les mauvais choix dans sa campagne. Il a d’abord décidé de l’interrompre pour participer à temps plein à l’examen de la crise financière émergente. John McCain sans jamais rien proposé de concret ni d’audible pour la sortie de crise, s’est perdu en conjecture et a définitivement rendu confus son message et son programme. D’un pari pouvant s’avérer payant, le choix de sa co-listière s’est également révélé un échec. Sarah Palin, pro NRA et mi-femme mi-homme, est rapidement devenue embarrasante. Par sa personnalité tranchée et carricaturale, elle est devenue l’aubaine des moqueries médiatiques.

L’Amérique de demain ne s’est pas vraiment reconnue dans ce ticket aux traits grossiers, icône trop voyante du conservatisme de l’Amérique profonde . Lors de meeting avec ses militants, McCain a laissé percevoir un certain renoncement . A se demander si McCain lui même, habituel défenseur de motion bi-partisane au sénat, croyait encore à la politique républicaine et à son programme. Résigné très tôt, il a même fait preuve d’un Fair-Play trop immédiat envers Obama au soir de sa victoire, ce qui en dit long sur l’attente de ce moment libérateur pour lui.

Obama, comme Sarkozy, grands orateurs médiatiques, ont été élus car porteur du changement. Obama n’a pas dévoilé de programme clair sur ses intentions post-électorale. Ses carrences en politique étrangère et en économie ont été occultées par son aura , sa symbolique vis à vis du peuple noir et la rupture qu’il incarne forcément par rapport à Bush.

Sarkozy comme Royal, Obama comme McCain, n’auraient pas pu, de toute façon, avoir des politiques très éloignées face aux réalités des deux pays. Même si c’est souvent le cas, plus que jamais, l’incarnation, l’image et l’éloquence ont fait la différence et rendu les programmes invisibles.

Une logique historique

 Martin Luther King n’est pas mort pour rien se disent les Afro-américains. Au delà du changement politique, Obama incarne un peu malgré lui,  qui se veut président de tous les américains, le futur d’une nation multi-raciale décomplexée. Au moins montre-t-il l’exemple de l’accession sociale en étant le premier métis hors d’Afrique à être élu à la fonction suprême . Son élection va peut-être permettre de tourner la page de la domination blanche et de l’exploitation des Noirs dont les effets ont perdurés pendant tout le siècle dernier. Obama donne au monde une occasion de soulager sa conscience et de dédouaner une Amérique réputée raciste.

La France, à bout de souffle et sclérosée, voyant son statut de superpuissance en déclin et sa fracture sociale s’aggrandir, nécessitait des réformes profondes de son système de valeurs. Sarkozy dans son costume de sauveur, agrémentant un programme relativement clair d’une mise en garde sécuritaire,  suscitait alors une attente sans précédent chez les français. Obama a les épaules encore plus lourdes. En plus de porter l’espoir des toutes les minorités du monde, Obama va devoir faire face à une situation économique calamiteuse et restaurer une crédibilité en politique étrangère, ce qui n’est pas son point fort. Les attentes suscitées par son élection vont rendre d’autant plus importantes ses premières décisions. Elles seront autant de fondement d’un chateau de carte médiatique qu’il faudra consolider définitivement avec le temps pour redorer le blason d’une Amérique à la dérive. La marge de manoeuvre est faible.

Une course contre la montre

Si Sarkozy a eu le temps de continuer dans la démagogie sur sa lancée de campagne au début de son mandat, Obama ne surfera pas longtemps sur son aura pré-électorale. Obama, qui a déjà esquissé la composition de son gouvernement, devra agir vite et bien. En politique intérieure, le colosse au pied d’argile est surendetté et l’empire du dollar touche à sa fin. Les Etats-Unis peuvent néanmoins compter sur leur grande capacité d’Innovation que devra soutenir Obama.

A l’international, deux conflits et deux sources de tension latentes attendent le nouveau président. Tout d’abord en Irak, en dépit de la restauration d’une certaine paix fictive, l’opinion continu de vouloir faire rentrer les Marines au pays afin d’éviter un nouveau Viet-Nam. En Afghanistan, face aux talibans réorganisés, il sera difficile de retirer durablement les troupes américaines, à moins que la diplomatie ne coupe les liens entre les talibans et Al Qaida pour isoler le mouvement de Ben Laden. Reste les questions du nucléaire iranien et du morcellement d’un Pakistan devenu skizophrène et déchiré entre les rebelles tribaux fanatiques et le gouverment pro-américain. Quant à Israël, elle observe d’un oeil inquiet la volonté d’Obama d’ouvrir des discussions avec l’Iran.

Obama, libéral et donc de gauche au sens américain du terme, devra permetttre à l’état de reprendre la main sur l’économie. Il devra savoir s’entourer de cerveaux neufs sans faire de révolution. Il a pourtant des vélléités, comme Sarkozy, d’intégrer des secrétaires d’état du parti opposé dans son gouvernement. En pleine crise financière, Paulson, actuel secrétaire du trésor, ex financier de Goldman Sachs, pourrait être reconduit, Bob Gates à la défense, également. Obama devra soutenir un dollar qui pourrait souffrir d’un nouveau Bretton woods et d’une redistribution des forces monétaires lors du G20 de Novembre.

Héritier d’un champ de ruine à l’international la tâche d’Obama sera forcément ingrate. La politique intérieure est anxiogène, dans un contexte de crise financière et de déclin du positionnement économique américain, voire de dépendance au profit de la Chine, de l’Inde et même de la Russie.

Obama est déjà sous-pression. S’il sait s’entourer, s’ouvrir au monde arabe, juguler la crise financière et relancer l’économie américaine, il contribuera à maintenir l’équilibre entre orient et occident, sinon la carte géopolitique sera à jamais redéssinée. C’est en cela qu’Obama sera aussi un président « symbolique » du redressement ou de la chute de l’empire américain de ces 2 derniers siècles.